Non, le SLC n’est pas perpétuel ni universel, non il ne correspond pas à une nature humaine immuable et fondée sur l’intérêt individuel et égoïste. Il est historique et géographiquement localisé dans son origine, même s’il s’est étendu sur toute la planète. Non, il n’est pas une simple collection d’individus en interaction, car avant les personnes et leur famille, il existe des structures sociales et collectives comme la langue, la culture, la division du travail. Non, la propriété n’est pas une catégorie générale pour l’esprit humain ni un fait social universel. Non la logique calculatrice du SLC n’est pas la seule pertinente pour faire des choix. Non, l’économie n’est pas située en surplomb et en dehors des autres structures sociales, notamment des politiques et des cadres instituées en place. Non le SLC n’est pas la paix apportée par le « doux commerce » comme cela a été promis pour faire croire à l’UE. Bref, c’est une « formation sociale » historique et contingente, évolutive, modifiable suivant les pays, les climats, les mœurs, les religions, les techniques, les conceptions du monde, les ressources disponibles…
Mais une formation sociale forme système et c’est un « fait social total ». Il s’y trouve des domaines ou sphères d’action, des fonctions à assurer, des valeurs à respecter, des représentations et des façons de penser, des institutions perçues comme allant de soi, des acteurs sociaux en compétition, des moyens et des ressources mobilisables, des besoins à satisfaire, des désirs à combler, des conflits à réguler, des coordinations à monter, des hiérarchies liées à la division du travail et organisant des différences de pouvoir, etc. Avant les individus, il existe donc du collectif au contraire de ce que disait Mme Tchatcher : « there is nothing such a society ». Voyons un peu mieux tout cela :
• Des dimensions d’action et des fonctions
La sphère économique vise à répondre aux besoins et aux désirs de consommation, aux nécessités vitales (se nourrir, se vêtir, se déplacer, se loger, communiquer. Pour cela elle utilise les ressources naturelles qui, aujourd’hui, ne sont plus perçues comme illimitées ou renouvelables sans cesse. La rareté peut régner et c’est du reste le fondement de la théorie économique de l’utilité marginale (école néo-classique), ce qui peut amener à la compétition concurrentielle pour l’accès aux ressources. Elle concerne la production, la circulation des biens ou services et des producteurs, la consommation et les moyens d’échange comme la monnaie. Dans le SLC moderne, la production a été supplantée par la finance qui conduit à deux horreurs : le calcul coût/bénéfice pour toute décision (règne de la quantité, de la monétarisation, de la marchandisation de tout, de la spéculation financière, de l’économie-casino, de la « pub » pour pousser à consommer, etc.).
• La sphère politique est censée s’occuper des décisions qui structurent l’avenir et le fonctionnement d’une communauté politique de destin, qui définissent le bien commun, qui fixent les orientations essentielles pour la coordination d’ensemble de la société, les finalités collectives. Le politique fixe ces fins, généralement gravées dans la Constitution, la politique, reste al gestion à court et moyen terme des conflits et de la représentation.
• Le droit procure les règles du jeu, les possibilités et contraintes de l’ordre public, les conditions et les normes de la sécurité (physique, sociale, économique, sanitaire. Il formalise et structure les valeurs en cours dans la société, il médiatise et équilibre les rapports de force. Il gomme en partie les injustices et inégalités sociales. Il définit les droits de participation politique, les droits-libertés, les droits-créances des individus et des groupes sociaux.
• Les institutions sont ce qui est durable et a été retenu par l’histoire comme principes et normes valables pour tous, comme, en quelque sorte, axiomes et idéaux régulateurs communs, considérés comme légitimes. On y trouve en régime SLC: la Justice, la liberté et la démocratie, le respect du droit et de l’autorité, l’égalité des chances comme fondement du mérite, la propriété (en principe acquise par le travail), la neutralité du politique, les marchés concurrentiels, le primat de l’éducation-instruction. Ces principes et valeurs sont « en même temps » portés et actés par des organisations.
• Les structures en système libéralo-capitaliste, sont des cadres d’action volontaire organisée en division du travail, des fonctions et des rôles à tenir (divisions sociale, politique, économique, technique). En régime SLC (notamment), la stratification sociale est inégalitaire, asymétrique, dominatrice et exploiteuse. Car le SLC, en tant que système de domination et d’exploitation tant des humains que de la nature, est fondé sur l’inégalité. En effet, sans elle, il n’existerait plus ni mérite ni égalité des chances. Le centre d’exploitation a besoin à la fois de soutiens et d’alliés plus ou moins bien récompensés ou gourmands et d’exécutants à faire trimer pour en extraire une plus-value collective un surplus à monopoliser. En outre, une hiérarchie doit être considérée comme une échelle de perroquet où chacun se situe et peut espérer monter ou se différencier, se distinguer du vulgum pecus. N’oublions pas que la colonisation a aux dirigeants de se débarrasser de « la racaille », laquelle a émigré en se croyant supérieure aux colonisés. Pour être bien dans sa peau, le « déplorable » (Mme Clinton) a besoin de quelqu’un de plus bas que lui dans l’échelle sociale afin de le mépriser et conserver son estime de soi (son amour-propre disait Rousseau). La hiérarchie est « en même temps » une échelle de distinction et de reconnaissance sociale, chacun ayant besoin d’avoir une identité socialement reconnue.
• La culture forme un ensemble complexe qui cadre et oriente les comportements, les relations, les interactions. Il s’y trouve des valeurs spécifiques, dans leur nature et dans leur dosage ou ordre de priorité, à chaque société ou groupement : dans le SLC, ce sont la liberté, la propriété, l’égalité des chances et le mérite. La culture, au sens sociologique, regroupe les valeurs, les us, coutumes, traditions, normes, représentations et conceptions, façons de penser (en SLC : le calcul d’optimisation, en général financière, des intérêts), connaissances et savoirs théoriques ou scientifiques, voire idéologiques, opinions communes (doxa). La culture procure les justifications de défense de l’ordre sociopolitique institué. La culture a donc toujours et partiellement un contenu idéologique et un aspect de luttes sociales pour l’hégémonie des représentations ad hoc des choses et de l’ordre établi.
• Les acteurs sociaux sont nombreux, variés ; ils ont des intérêts et des valeurs contradictoires. Il est impossible de les sérier tous et nous nous contentions de dire qu’il en existe deux grandes sortes : ceux qui sont satisfaits du système en place, ceux qui ne peuvent pas s’en contenter.
1) Les bénéficiaires du régime SLC
Ce sont, par exemple, les organes de charité et ONG ou associations qui prospèrent avec l’insécurité, la pauvreté, la précarité, les guerres. Itou pour les curetons de tout poli qui promettent la sérénité et le bonheur dans un monde meilleur. Nous y trouvons tous les membres de professions à la fois inutiles et nuisibles, mais poussant à la culture SLC de gaspillage et d’ostentation, à la compétition pour se distinguer : pubards, communicants, traders, banquiers et avocats d’affaires, financiers et spéculateurs, divertisseurs à la Hanouna comme dans les Télés qui « vendent du temps de cerveau disponible et détournent des vrais problèmes pour amuser. On y assimile maints journaleux, publicistes, idéologues stipendiés, économistes mainstream, juristes légitimistes ou légalistes. Certes y figurent tous ces patrons et cadres dirigeants qui travaillent pour les actionnaires et la rentabilité des fonds d’investissement, de retraites par capitalisation et des multinationales. D’y rassemblent aussi tous les comptables, les auditeurs, les consultants des cabinets de conseil, les agents de benchmarking, d’évaluation et de notation. On y trouvera tous les responsables d’écoles privées enseignant le commerce et le management. Tous les membres de la répression judiciaire, chats fourrés, poulagas, militaires, salariés de l’armement. Les politicards corporatifs. Les hauts fonctionnaires normalisateurs, centralisateurs, fiscariotes et le plus souvent (pour être promus ou décorés ou planqués) au service de n’importe quel pouvoir, dont les pantouflards et autres spécialistes des « protes tournantes ». Cela fait du monde : avec leur famille, au moins 25 % de la population.
2) L’énorme classe des exploités et dominés dudit SLC : salariés, ouvriers, employés, petits fonctionnaires, artisans, petits commerçants, chômeurs, femmes, LGBT, « colored people », exclus en tout genre… Tous ces gens-là forment une majorité (en soi) qui peut être unie (pour soi) par la similitude des situations d’exploitation et de domination dans « une chaîne d’équivalence » (Laclau et Mouffe) qui permet de dépasser l’émiettement de la « multitude » de Negri. Orémus.